Les agréments de l'ACPR : guide complet pour les banques, néobanques et organismes de paiement

Publié le : 10/10/2024 - Vérifié le : 14/10/2024

Dans le paysage financier français, l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) joue un rôle crucial en tant que gardienne de la stabilité du système financier. Rattachée à la Banque de France, l'ACPR est chargée de la supervision des secteurs de la banque et de l'assurance. L'une de ses missions principales est d'accorder les agréments nécessaires aux établissements souhaitant opérer dans ces domaines.Ces agréments sont d'une importance capitale pour les établissements financiers. Ils constituent non seulement une autorisation légale d'exercer, mais aussi un gage de confiance pour les clients potentiels. Dans un secteur en constante évolution, où les néobanques et les fintechs bousculent les modèles traditionnels, comprendre les différents types d'agréments est essentiel pour les acteurs du marché comme pour les consommateurs.

1/ Les principaux types d'agréments

L'ACPR délivre plusieurs types d'agréments, chacun correspondant à des activités spécifiques et impliquant des droits et des obligations différents. Ces agréments sont conçus pour encadrer les diverses activités financières et assurer la stabilité du système financier tout en protégeant les consommateurs.  

Examinons en détail les trois principaux types d'agréments pertinents pour les banques, néobanques et organismes de paiement.

2/ Agrément d'établissement de crédit

L'agrément d'établissement de crédit est le plus complet et le plus exigeant des agréments délivrés par l'ACPR. Il permet à une entité d'exercer l'ensemble des activités bancaires, y compris la collecte de dépôts et l'octroi de crédits.

Définition et prérogatives

Un établissement de crédit, selon le Code monétaire et financier, est une personne morale qui effectue à titre de profession habituelle des opérations de banque. Ces opérations comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement.Les prérogatives associées à cet agrément sont vastes :

  • Collecte de dépôts et d'autres fonds remboursables du public
  • Octroi de crédits
  • Émission et gestion de moyens de paiement
  • Opérations de change
  • Conseil et assistance en matière de gestion de patrimoine
  • Participation à des émissions de valeurs mobilières

Processus d'obtention

Le processus d'obtention de l'agrément d'établissement de crédit est rigoureux et comprend plusieurs étapes :

  1. Constitution d'un dossier détaillé comprenant :
    • Un programme d'activités
    • Les moyens techniques et financiers envisagés
    • La qualité des apporteurs de capitaux
    • L'honorabilité et la compétence des dirigeants
  2. Examen du dossier par l'ACPR
  3. Consultation de la Banque Centrale Européenne (BCE), qui a le pouvoir final de décision pour les établissements importants
  4. Décision finale communiquée dans un délai de 6 mois à compter de la réception du dossier complet

Exemples d'établissements concernés

En France, les grandes banques traditionnelles comme BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole ou BPCE sont toutes titulaires de cet agrément. Certaines néobanques, comme Boursobank Banque (filiale de Société Générale) ou Hello Bank! (filiale de BNP Paribas), bénéficient également de cet agrément complet, soit directement, soit par le biais de leur maison mère.

3/ Agrément d'établissement de paiement

L'agrément d'établissement de paiement, introduit par la directive européenne sur les services de paiement (DSP), permet à une entité de fournir des services de paiement sans pour autant être une banque à part entière.

Définition et services autorisés

Un établissement de paiement est habilité à fournir des services de paiement tels que :

  • L'exécution de virements et de prélèvements
  • L'émission d'instruments de paiement (comme les cartes de paiement)
  • L'acquisition d'opérations de paiement
  • La transmission de fonds
  • L'initiation de paiement
  • L'agrégation d'informations sur les comptes

Cependant, contrairement aux établissements de crédit, les établissements de paiement ne sont pas autorisés à collecter des dépôts ou à octroyer des crédits (sauf dans des conditions très spécifiques et limitées).

Différences avec l'agrément d'établissement de crédit

Les principales différences sont :

  • Champ d'activité plus restreint
  • Exigences en capital moins élevées
  • Réglementation moins contraignante
  • Impossibilité de collecter des dépôts du public
  • Limitation dans l'octroi de crédits

Exemples d'entreprises concernées

En France, de nombreuses fintechs et néobanques opèrent sous cet agrément. Par exemple :

  • Lydia, l'application de paiement mobile
  • Qonto, la néobanque pour professionnels et PME
  • Treezor, spécialiste des services de paiement en marque blanche

4/ Agrément d'établissement de monnaie électronique

L'agrément d'établissement de monnaie électronique permet à une entité d'émettre, gérer et mettre à disposition de la monnaie électronique.

Spécificités de cet agrément

La monnaie électronique est définie comme une valeur monétaire stockée sous forme électronique, représentant une créance sur l'émetteur, qui est émise contre la remise de fonds aux fins d'opérations de paiement et qui est acceptée par une personne physique ou morale autre que l'émetteur de monnaie électronique.Les établissements de monnaie électronique peuvent :

  • Émettre et gérer de la monnaie électronique
  • Fournir des services de paiement
  • Accorder des crédits en lien avec les services de paiement (sous certaines conditions)

Services proposés

Les services typiquement proposés incluent :

  • Portefeuilles électroniques
  • Cartes prépayées
  • Solutions de paiement mobile

Exemples d'acteurs concernés

En France, on peut citer :

  • Leetchi, la plateforme de cagnottes en ligne
  • Nickel, la néobanque accessible en bureaux de tabac
  • PCS, émetteur de cartes prépayées

5/ Cas particulier des néobanques

Les néobanques, ces nouveaux acteurs du paysage bancaire qui proposent des services financiers principalement via des applications mobiles, peuvent opérer sous différents statuts selon leur modèle d'affaires et leurs ambitions.

Différents statuts possibles

Établissement de crédit

Certaines néobanques choisissent d'obtenir un agrément bancaire complet. C'est le cas de N26, une néobanque allemande qui opère en France avec un agrément d'établissement de crédit. Cela lui permet d'offrir une gamme complète de services bancaires, y compris la collecte de dépôts et l'octroi de crédits.

Établissement de paiement

De nombreuses néobanques optent pour le statut d'établissement de paiement, qui leur permet de proposer des services de paiement et de gestion de compte sans les contraintes réglementaires d'une banque traditionnelle. C'est le choix fait par Revolut lors de son lancement, avant d'obtenir une licence bancaire européenne en 2018.

Agent d'un établissement agréé

Certaines néobanques choisissent de s'associer à un établissement déjà agréé plutôt que d'obtenir leur propre agrément.
C'est le cas de Qonto, une néobanque française destinée aux professionnels et aux PME, qui s'appuie sur l'agrément de Treezor (filiale du groupe Société Générale) pour proposer ses services bancaires.
Qonto peut ainsi offrir des comptes courants, des cartes de paiement et d'autres services financiers à ses clients professionnels, tout en bénéficiant de l'infrastructure réglementaire et technique de Treezor.

Implications pour les services proposés

Limites des établissements de paiement

Les néobanques opérant sous le statut d'établissement de paiement sont limitées dans les services qu'elles peuvent offrir :

  • Elles ne peuvent pas collecter des dépôts du public
  • Elles ne peuvent pas octroyer de crédits (sauf dans des conditions très spécifiques)
  • Les fonds des clients doivent être ségrégués et ne peuvent pas être utilisés pour financer d'autres activités de l'entreprise

Avantages de l'agrément bancaire complet

Les néobanques disposant d'un agrément bancaire complet peuvent :

  • Proposer une gamme complète de produits bancaires, y compris des comptes d'épargne et des prêts
  • Bénéficier de la confiance accrue des clients, l'agrément bancaire étant perçu comme un gage de sécurité
  • Diversifier leurs sources de revenus grâce à la marge d'intérêt sur les dépôts et les crédits

6/ Processus d'obtention des agréments

Le processus d'obtention d'un agrément auprès de l'ACPR est rigoureux et exigeant, quel que soit le type d'agrément demandé.

Étapes clés

Dossier à constituer

Le dossier de demande d'agrément doit comprendre de nombreux éléments, notamment :

  • Une présentation détaillée du projet et du modèle d'affaires
  • Les statuts de la société
  • L'identité des actionnaires directs et indirects
  • L'identité des dirigeants effectifs et des responsables de fonctions clés
  • Un programme d'activités sur 3 ans minimum
  • Une description de l'organisation, des moyens humains et techniques
  • Les procédures de contrôle interne et de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Examen par l'ACPR

L'ACPR examine en détail le dossier de demande d'agrément. Cette phase peut inclure :

  • Des demandes d'informations complémentaires
  • Des entretiens avec les dirigeants et les actionnaires principaux
  • Une analyse approfondie du plan d'affaires et des projections financières

Rôle de la Banque Centrale Européenne

Pour les établissements de crédit considérés comme "importants", la décision finale d'octroi de l'agrément revient à la BCE, sur proposition de l'ACPR. Ce processus s'inscrit dans le cadre du Mécanisme de Supervision Unique (MSU) européen.

Critères d'évaluation

Fonds propres requis

Les exigences en matière de fonds propres varient selon le type d'agrément :

  • Pour un établissement de crédit : minimum 5 millions d'euros
  • Pour un établissement de paiement : entre 20 000 et 125 000 euros selon les services fournis
  • Pour un établissement de monnaie électronique : minimum 350 000 euros

Gouvernance et contrôle interne

L'ACPR évalue attentivement :

  • La compétence et l'honorabilité des dirigeants et des actionnaires principaux
  • La qualité du dispositif de gouvernance
  • L'adéquation du système de contrôle interne et de gestion des risques

Plan d'affaires

Le plan d'affaires est scruté pour évaluer :

  • La viabilité économique du projet
  • La pertinence des hypothèses de développement
  • L'adéquation des moyens techniques et humains avec les objectifs

7/ Surveillance continue et extension d'agrément

L'obtention de l'agrément n'est que le début d'une relation continue avec l'ACPR.

Contrôle de l'ACPR post-agrément

Rapports périodiques

Les établissements agréés doivent régulièrement fournir à l'ACPR des informations sur leur activité et leur situation financière. Ces rapports incluent :

  • Des états financiers détaillés
  • Des informations sur les ratios prudentiels
  • Des rapports sur le contrôle interne et la lutte contre le blanchiment

Inspections sur place

L'ACPR peut effectuer des contrôles sur place pour vérifier la conformité des établissements aux exigences réglementaires. Ces inspections peuvent être programmées ou inopinées et couvrent tous les aspects de l'activité de l'établissement.

Procédure d'extension d'agrément

Cas nécessitant une extension

Une extension d'agrément peut être nécessaire dans plusieurs cas :

  • Lorsqu'un établissement de paiement souhaite proposer de nouveaux services de paiement
  • Quand un établissement de monnaie électronique veut étendre ses activités aux services de paiement
  • Si un établissement veut opérer dans d'autres pays de l'Union Européenne via le passeport européen

Démarches à suivre

La procédure d'extension d'agrément est similaire à celle de la demande initiale :

  1. Constitution d'un dossier détaillant les nouvelles activités envisagées
  2. Examen du dossier par l'ACPR
  3. Décision de l'ACPR (ou de la BCE pour les établissements de crédit importants)

8/ Conclusion

Le choix du bon agrément est un élément stratégique crucial pour les acteurs du secteur financier, qu'il s'agisse de banques traditionnelles, de néobanques ou d'organismes de paiement. Ce choix détermine non seulement l'étendue des services qu'ils peuvent offrir, mais aussi le cadre réglementaire dans lequel ils évoluent, influençant ainsi directement leur modèle d'affaires et leur capacité à innover.

Dans un contexte de transformation digitale accélérée du secteur bancaire, les différents types d'agréments offrent une flexibilité permettant l'émergence de nouveaux acteurs et de nouveaux modèles. Les établissements de paiement et de monnaie électronique, par exemple, ont permis l'essor de fintechs innovantes, capables de proposer des services ciblés et souvent plus agiles que les banques traditionnelles.

Cependant, cette diversité des statuts réglementaires pose aussi des défis. Pour les consommateurs, il devient crucial de comprendre les différences entre ces acteurs, notamment en termes de protection des fonds et de garantie des dépôts. Pour les régulateurs, l'enjeu est de maintenir un équilibre entre l'encouragement à l'innovation et la préservation de la stabilité financière.

L'ACPR, en collaboration avec les instances européennes, travaille continuellement à faire évoluer les régimes d'agrément. Cette évolution vise à s'adapter aux nouvelles réalités du marché tout en assurant une protection adéquate des consommateurs et en préservant l'intégrité du système financier. Les récentes directives européennes, comme la DSP2 (Directive sur les Services de Paiement 2), illustrent cette volonté d'adapter le cadre réglementaire aux innovations technologiques.

Pour les entrepreneurs du secteur financier, la compréhension fine des nuances entre les différents types d'agréments est devenue une compétence essentielle. Elle permet de choisir le statut le plus adapté à leur projet, mais aussi d'anticiper les évolutions possibles de leur modèle d'affaires. La capacité à naviguer dans ce paysage réglementaire complexe peut constituer un avantage concurrentiel significatif.

À l'avenir, on peut s'attendre à ce que le paysage réglementaire continue d'évoluer, notamment pour prendre en compte les défis posés par les cryptomonnaies, la finance décentralisée (DeFi) et d'autres innovations financières. L'émergence de ces nouvelles technologies soulève des questions inédites en termes de régulation, de protection des consommateurs et de stabilité financière.

Les acteurs du secteur devront donc rester vigilants et adaptables face à ces évolutions réglementaires. Cela implique une veille constante, une capacité à anticiper les changements, et une flexibilité dans leurs modèles opérationnels. Dans le même temps, ils devront continuer à innover pour répondre aux besoins changeants des consommateurs, qui attendent des services financiers toujours plus personnalisés, accessibles et transparents.

En définitive, la compréhension des différents types d'agréments de l'ACPR n'est pas seulement un enjeu réglementaire, mais aussi un élément clé de la stratégie des acteurs financiers. Elle influence leur positionnement sur le marché, leur capacité d'innovation et, in fine, leur pérennité dans un secteur en constante mutation. Pour les consommateurs, cette connaissance est un outil essentiel pour naviguer dans un paysage financier de plus en plus diversifié et pour faire des choix éclairés quant à la gestion de leurs finances personnelles.

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